Oh my George! Gymnase de la Cité

Le Gymnase de la Cité joue, chante et danse Gershwin

Le cœur des gymnases vaudois bat pour Broadway! Il y a plusieurs années déjà, en 2018, les établissements de Marcellin (Morges) et de Beaulieu (Lausanne) avaient relevé un pari, celui de célébrer ensemble les 100 ans de la naissance de Bernstein en montant West Side Story. Ce week-end, le Gymnase de la Cité a vibré de jazz dans son spectacle original intitulé Oh my George!, mettant Gershwin à l’honneur. En six mois, profs et élèves ont élaboré un script, formé un orchestre et un chœur, élu des solistes, réalisé des décors, appris des textes et des chorégraphies (claquettes aux pieds!)… et finalement, présenté un spectacle devant les quelque 500 sièges du Casino de Montbenon, complet les deux soirs.

Texte de Katia Meylan

Ce projet, le Gymnase de la Cité le doit à la passion sans faille de la professeure de musique Charlotte Thibault-Moussouli qui, entourée de son collègue Pascal Millet à la direction musicale et de la metteuse en scène Anne-Sophie Rohr-Cettou, a su dénicher les talents et les enthousiastes au sein de l’établissement. Profs d’anglais, de français ou d’italien, élèves de toutes volées confondues étaient une soixantaine sur scène.

Oh my George! Gymnase de la Cité

Oh my George!, c’est l’histoire d’une troupe amateur de Cossonay, invitée (par erreur) à Broadway afin de présenter un show en l’honneur des 150 ans du titre Rhapsody in Blue de Gerswhin. L’occasion pour les personnages de la pièce, tout comme pour les jeunes élèves du Gymnase de la Cité qui les ont interprétés, d’en apprendre plus sur le compositeur de génie et d’apprivoiser son répertoire alliant les musiques blues et le jazz du début du 20e siècle à l’univers classique.

Oh my George!, c’est aussi un peu l’histoire de tout spectacle amateur. L’idée folle de départ, les moments où l’on y croit mais aussi ceux où l’on a envie de partir en courant. Les égos et les amitiés, le trac, le travail, et finalement la sensation indescriptible de présenter la somme de tout cela devant un public. Alors comment mieux transmettre ce tourbillon d’émotions que par une mise en abyme aux teintée d’autofiction et d’autodérision? À les voir toutes et tous devant nous, on s’imagine aisément que les interprètes sont bel et bien passé·e·s par les émotions de leur personnage. La scène du casting prend là une double dimension pour ce qu’elle nous laisse entrevoir, derrière les personnages, des élèves et de la part d’artiste qu’ils·elles ont à révéler. À chaque candidat·e·s s’avançant, on ressent une pointe de vertige: quelle voix va sortir de ce corps? Quelles notes de ce saxophone? Est-ce que la magie sera rendez-vous?

Au-delà du côté comique de la scène du casting, la réponse est affirmative! Les quelques baisses de rythme dans les dialogues ici et là, dues à une articulation parfois imprécise, sont oubliées devant le plaisir communicatif de toute la bande, qui s’en donne à cœur joie. Les pièces chantées sont de belles surprises, tant en chœur – délicat Summertime aux voix se frottant et s’enlaçant sous la direction de Charlotte Thibault-Moussouli – que dans les solos, dans lesquels on témoigne d’un potentiel, d’une aisance de la scène ou déjà d’un travail amorcé il y a plusieurs années. Le naturel des un·e·s, la présence des autres, et l’énergie globale fut une vraie recharge de feel-good.

Et comme l’un des personnages le souligne: l’objectif n’est pas de présenter le meilleur spectacle, mais de le faire, et de le faire ensemble. Demain, les élèves retrouveront leur routine de gymnasien·ne·s, les profs leurs cours, presque comme si rien d’extraordinaire ne s’était produit… mais ce ne sera qu’en apparence car, la magie de l’art ayant opéré, tout sera un peu différent.

Oh my George!
Par le Gymnase de la Cité
23 et 24 février 2024
Casino de Montbenon, Lausanne

Retrouvez-les sur Instagram : ohmygeorge_lacite

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Prix de Lausanne Gregory Batardon

Prix de Lausanne 2024

Assises à côté de jeunes candidat·e·s, au Théâtre de Beaulieu, nous avons assisté samedi 3 février 2024 à la Finale du Prix de Lausanne et partageons nos émotions et nos impressions de cette 52e édition.

Texte de Margarita Makarova

Arabesque, chaîné, piqué… les finalistes semblent absorbé·e·s par le cours de danse classique donné par Elisabeth Platel. Ils ne remarquent pas le public, impatient de voir la Finale, entrer dans la salle de Beaulieu. Parmi les spectateur·ice·s, nous retrouvons des candidat·e·s qui n’ont malheureusement pas été sélectionné·e·s pour se présenter devant le jury aujourd’hui. Nadia Corboud, participante suisse et élève de la Danse Académie Vevey, est assise juste à côté de nous. Nous avons saisi l’occasion pour la féliciter de sa belle apparition sur la scène du Prix de Lausanne. Tout sourire, elle se dit ravie d’avoir participé à l’édition 2024 du Prix. Derrière est assise une représentante de la Zurich Danse Academy d’origine ukrainienne, Yelyzaveta Lazovska, entourée par d’autres candidates.

Le cours de danse terminé, les finalistes attaquent la danse classique. Nous les voyons légèrement nerveux·ses. Ils sont pourtant de petites vedettes qui fascinent le public et le jury non seulement par leurs variations mais aussi par leurs tenues. Les costumes de João Pedro Dos Santos (Harlequinade) et de Martinho Lima Santos (Le Corsaire, boy variation) ainsi que les tutus de Crystal Huang (Le Corsaire, Gulnara) et de Jioh Kim (Coppelia, girl variation, act III) nous ont particulièrement marqué.

Prix de Lausanne Gregory Batardon

Martinho Lima Santos. Photo: Gregory Batardon

Prix de Lausanne Gregory Batardon

Jioh Kim. Photo: Gregory Batardon

Prix de Lausanne Gregory Batardon

João Pedro Dos Santos. Photo: Gregory Batardon

Prix de Lausanne Gregory Batardon

Crystal Huang. Photo: Gregory Batardon

Du point de vue technique, une multitude de sauts et de pirouettes font tourner la tête, notons par exemple les exécutions de Martinho Lima Santos, Carson Willey (Sleeping Beauty, Prince Désiré, act III), Crystal Huang et Takafumi Hori (Grand Pas Classique, boy variation). Jioh Kim nous impressionne par son côté artistique. C’est aussi le cas de João Pedro Dos Santos, devenu notre favori après la première partie du concours. Il fait preuve d’aisance technique, d’aptitude physique et d’une indéniable capacité de s’affirmer.

Wongyeom Lee, avec une sensible et tendre interprétation de la chorégraphie Do you care? par Aleisha Walker (lauréate du Young Creation Award 2023), entame la deuxième partie du Prix, consacrée à la danse contemporaine. Les finalistes semblent bien plus rassuré·e·s. En particulier, João Pedro Dos Santos qui danse Plan to B d’une façon extrêmement énergique, sûr de lui. Yelyzaveta, assise derrière, confie à son amie que João serait en tête du classement, à son sens. Gardons le mystère pour l’instant (pour celles et ceux qui ne sont pas encore au courant) et poursuivons nos observations!

La chorégraphie Do you care? s’avère la plus populaire parmi les candidat·e·s et chacun·e l’interprète à sa guise. Crystal Huang est très gracieuse et souple. Martinho Lima Santos s’investit pleinement dans l’exercice: dans la salle, on entend ses souffles remplis d’émotions et d’efforts. Giuseppe Schillaci s’empare de l’attention du public et nous laisse deviner un prix pour sa variation contemporaine. Il recevra, en effet, le Best Swiss Candidate Award, offert par un donateur anonyme.

E-Eun Park et Paloma Livellara Vidart choisissent la chorégraphie You Turn Me on I’m a Radio par Christopher Wheeldon, qui a fait sa première apparition à cette 52e édition du Prix. Les deux finalistes se font applaudir par le public pour leur élégance et leur allure coquette. Les spectateur·ice·s sont, d’ailleurs, généreux et applaudissent beaucoup ce soir.

Après un petit entracte, les variations contemporaines sont suivies de l’Intermède de la Finale. Il comprend une présentation de deux chorégraphies gagnantes, Groovin par Quinn Bates (États-Unis) et Under Glass, par Kseniya Kosava (Bélarus). Le public du Prix a également la chance d’accueillir Madison Young et Julian Mackay, deux ancien·ne·s lauréat·e·s du Prix de Lausanne, qui dansent le pas de deux Le Parc d’Angelin Preljocaj ainsi que le pas de deux de Don Quichotte durant l’Intermède, avec un professionnalisme exceptionnel. Comme chaque année, le Projet chorégraphique, réunissant 25 danseuses et danseurs du monde entier, est une merveille. Créé par le chorégraphe et designer helvético-canadien Kinsun Chan, le projet SCHRäääG est non seulement une danse mais un jeu géométrique et, somme toute, une véritable œuvre d’art contemporain en mouvement.

Prix de Lausanne

Le spectacle de Kinsun Chan nous fait presque oublier que le moment de vérité approche! Les discours prononcés, les candidat·e·s et les finalistes félicité·e·s, les noms des gagnant·e·s sont annoncés. Comme l’a prédit Yelyzaveta Lazovska, une des bourses est effectivement attribuée à João Pedro Dos Santos du Brésil. C’est même la première bourse, « Jeune espoir ». Ému et heureux, il perd le don de la parole pour quelques instants, puis remercie (en portugais et sous les applaudissements) toutes les personnes qui ont contribué à sa victoire.

Prix de Lausanne Gregory Batardon

João Pedro Dos Santos lors de la remise de son prix. Photo: Gregory Batardon

Les autres finalistes ayant bénéficié d’une bourse sont Martinho Lima Santos (Portugal), Paloma Livellara Vidart (Argentine), Crystal Huang (États-Unis), Airi Kobayashi (Japon), Jenson Blight (Australie), Juliann Fedele-Malard (France), Natalie Steele (États-Unis) et Taichi Toshida (Japon).

Liste complète des lauréat-e-s

Bien que ce soit la fin, pour les candidat·e·s, les finalistes et les lauréat·e·s, ce n’est qu’un début. Le début de leur épanouissement personnel et professionnel. L’Agenda leur souhaite tout de bon et plein de succès dans leur future carrière d’artiste de ballet!

www.prixdelausanne.org/fr/

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Monroe-Lamarr

De la scène à l’écran

L’association De la scène à l’écran offre un deuxième souffle à des projets scéniques romands!

Sélectionnés sur dossier par un comité de lecture composé de représentant∙e∙s de de la RTS, de la Société Suisse des Auteurs, de Suissimage et de l’AROPA, les projets bénéficient d’un budget de 70’000.- afin de pouvoir se réinventer une valeur artistique nouvelle dans une version audiovisuelle. Les films qui en résultent seront diffusés à la télévision les jeudis sur RTS1 entre septembre et décembre 2024, et viendront également enrichir la collection de projets réalisés lors des quatre éditions précédentes, à découvrir en ligne sur Play RTS.

La pièce Still Life (Monroe-Lamarr), dont parle L’Agenda 106, fait partie des cinq lauréats de l’appel à projets 2023. Elle se verra donc réinterprétée par la réalisatrice Camille de Pietro, qui travaillera en collaboration avec la metteuse en scène Anne Bisang et les comédien∙ne∙s.

Extrait de l’article dans L’Agenda:

Still Life (Monroe-Lamarr) ou comment les paradoxes de la vie deviennent un pur plaisir théâtral avec Anne Bisang.

La metteure en scène et directrice de théâtre Anne Bisang nous a habituées à des spectacles audacieux et des prises de position passionnées. Avec la pièce de théâtre Still Life (Monroe-Lamarr), elle livre une mise en scène intrigante et ludique, puissante et aérienne, du texte de Carles Batlle, à découvrir au Théâtre Populaire Romand les 8, 9 et 10 février 2024.

Textes et propos recueillis par Myriam VIJAYA, de SAMO Agence Marketing

La pièce, en présentant de grands paradoxes, pousse à la réflexion : qu’est-ce qui définit l’humain ? Son intérieur ou son extérieur ? Que se cache-t-il derrière les façades ?

La mise en scène joue sur des mises en abyme : l’art dans l’art, le cinéma dans le théâtre, des actrices qui rendent hommage à des actrices, des femmes qui racontent des femmes… Anne Bisang opte pour des décors minimalistes et élégants, pour mettre en valeur le corps des femmes dans cet espace (sont-elles des natures vivantes ou mortes ?) et des « flashback » pour concrétiser les différentes temporalités de la pièce (sont-elles d’hier ou d’aujourd’hui ?).

[…] Découvrez l’article complet dans L’Agenda 106!  

 

Still Life (Monroe et Lamarr)
Du 8 au 10 février 2024
Théâtre Populaire Romand, La Chaux-de-Fonds
tpr.ch

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Le Consentement1

Le Consentement: l’adaptation d’un roman que l’on ne présente plus

La pièce Le Consentement met en scène le livre du même nom de Vanessa Springora. Cette autobiographie raconte la prédation sexuelle dont l’autrice a été victime lorsqu’elle était mineure par l’écrivain Gabriel Matzneff. Une situation d’emprise qui s’est faite progressivement et contre laquelle personne ne s’est dressé. Proposée par l’association Du Droit À l’Art et le Laboratoire Droit & Littérature de l’Université de Lausanne, elle s’est déroulée samedi dernier au théâtre de l’Octogone à Pully.

Texte de Marie Butty

La pièce débute sur un gigantesque papier calque qui traverse tout l’arrière de la scène et derrière lequel nous percevons, grâce à la lumière, une silhouette, celle de Ludivine Sagnier. Un enregistrement de voix résonne sans que l’on puisse réellement comprendre ce qui est dit accompagné d’un rythme de batterie, joué par Pierre Belleville. Puis la narration du texte de Vanessa Springora commence avec la voix modifiée de l’actrice qui donne une impression de voix-machine. Cette première scène est en réalité la fin du roman, celle où la jeune V. a perdu jusqu’au sentiment même d’exister physiquement. Elle se termine par un crescendo du son de la batterie puis la disparition de la silhouette. L’alliage du brouillage visuel et auditif nous fait brillamment ressentir physiquement la dépossession de soi et la désorientation que ressent V., complètement détruite par les abus de G.

L’actrice apparait ensuite en pleine lumière pour incarner l’histoire de la jeune V.. Les passages du livre choisis par le metteur en scène, Sébastien Davis, racontent l’enfance de la petite V., son rapport au père, à la mère, puis sa rencontre avec G.. Grâce à la batterie, nous ressentons intensément les sentiments qui ont traversé l’adolescente pendant cette période allant de l’excitation à la panique. Tour à tour l’actrice incarne G., la mère qui cautionne finalement cette relation ou encore un psychiatre rencontré lors d’un épisode de paralysie. La pièce alterne des passages sous la lumière au-devant de la scène et derrière le papier calque de l’ouverture, comme pour passer de l’intériorité à l’extériorité de V.. Le procédé est particulièrement réussi. Le récit se finit en revenant à la situation initiale présentée au début où la jeune femme est désorientée.

Le Consentement2

Photos: © Christophe Raynaud de Lage

L’actrice change ensuite de vêtements pour incarner la femme devenue adulte qui s’est progressivement retrouvée, a réussi à redonner sa confiance, 30 ans après les faits. Puis, elle évoque son enfant devenu adolescent et l’ambiance angoissante reprend, accompagnée de la batterie, comme une boucle qui est amenée à se répéter, avec un même scénario, sur les adolescents d’aujourd’hui. Le message est passé, c’est une histoire finalement courante, où un∙e adulte abuse d’un∙e enfant, lorsque ce dernier n’en comprend pas les enjeux. C’est l’histoire d’un piège immémorial qui détruit la vie de l’enfant, mais également de l’adulte à venir.

La prestation magistrale de Ludivine Sagnier rend honneur à ce texte si fort et prenant. Les moments de tensions sont exacerbés par l’interprétation de l’actrice ainsi que par l’accompagnement sonore de Pierre Belleville qui donne une expérience encore différente du texte.

theatre-octogone.ch

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Finite2

L’Orchestre des Nations au Victoria Hall: Quand l’orchestre symphonique mime la musique électronique 

Dimanche dernier, le Victoria Hall accueillait l’Orchestre des Nations et le compositeur de musique électronique Manuel Oberholzer. Le concert était en deux parties et gravitait autour du thème de la mort et de la finitude des choses. Deux interprétations de ces thèmes universels, séparées par 160 ans d’évolution musicale et technologique, ont pu cohabiter: celle de Manuel Oberholzer avec la première d’une œuvre électro-orchestrale intitulée FINITE et celle du compositeur allemand Johannes Brahms avec Ein deutsches Requiem. Retour sur cette soirée qui a partagé les spectateur∙ice∙s.

Texte d’Éloïse Vibert
Photos de Christian Meuwly

Pas le temps d’admirer les dorures environnantes, à 17h, la salle se retrouve plongée dans le noir et une partie du public dans la confusion. Seul phare dans la tempête : Manuel Oberholzer, installé derrière son synthétiseur modulaire. En guise d’introduction, des nappes électroniques un peu abruptes commencent à s’articuler. Le compositeur prend le parti de la stagnation méditative plutôt que de celui d’une progression claire et intuitive.

« Quelle drôle d’idée » chuchote une spectatrice, le sourire aux lèvres. À la décharge de cette dernière, les nappes électroniques, si émotionnellement impactantes lorsqu’elles enveloppent l’auditeur∙ice, se perdaient dans la salle et peinaient à arriver jusqu’aux spectateur∙ice∙s. L’artiste, que l’on connait également sous le nom de Feldermelder réussit pourtant ce pari d’accaparer l’auditeur∙ice avec des textures électroniques organiques dans ses albums Euphoric Attempts ou dernièrement Dual ǀ Duel en collaboration avec la violoncelliste Sara Oswald. Ces nappes un peu lointaines dont on ne distinguait que trop peu les nuances n’étaient donc probablement qu’une question d’acoustique peu adaptée à ce genre de performance.

La « drôle d’idée » sera expliquée à la fin de l’introduction. Une voix d’Intelligence artificielle retentit et l’Orchestre des Nations s’installe, suivi par le Chœur de Chambre de l’Université de Fribourg, avec pour seul applaudissement les explications de l’IA sur l’importance de revenir à l’essentiel, sur la finitude et l’impermanence des choses. La voix s’applique à expliquer devant un public attentif, ce que nous nous apprêtons à voir. L’orchestre – nous dit-elle – jouera ainsi une pièce en imitant les procédés de la musique électronique et sera samplé en temps réel, ce qui fera de lui la source de sa section supplémentaire.

En théorie et jusque-là, la « drôle d’idée » est donc une bonne idée. En pratique néanmoins, les avis semblaient partagés à l’entracte. Les satisfait∙e∙s auront remarqué les notes entêtantes et obsédantes qui semblaient presque sortir d’un ordinateur, l’imitation des arpèges et des notes longues à la manière d’un synthétiseur. Il y avait quelque chose d’à peine humain dans cette performance, malgré son exécution par un orchestre et un chœur en chair et en os. Si l’intérêt ou la fascination de la performance ne faisait aucun doute pour certain∙e∙s, les plus sceptiques ont cependant été perturbé∙e∙s par ce manque d’humanité. L’accumulation de climax dans l’œuvre rendait la reconnaissance et l’identification à des émotions difficiles. De l’espoir parfois et puis, beaucoup d’agitation, de l’anxiété peut-être: FINITE semblait être une succession de fins, et si sa part « électronique » lui conférait un intérêt intellectuel, celle-ci rendait précisément l’immersion et l’abandon difficile.

Qu’importe, à l’entracte, les avis divergents ont pu profiter d’une mise en bouche par le débat pour se préparer à écouter Ein deutsches Requiem de Brahms.

L’orchestre et le chœur reprennent alors vie. La deuxième partie est ponctuée par des apparitions des chanteur∙euse∙s Kathrin Hottiger et Vincent Casagrande et efface progressivement tout manque d’humanité.

Finite1

L’exécution de ces deux performances si différentes l’une de l’autre force à constater que l’Orchestre des Nations, bien que composé de musicien∙ne∙s amateur∙ice∙s, n’a rien à envier aux orchestres professionnels. Dirigés avec passion par Antoine Marguier, secondé par Pascal Mayer à la direction du chœur, les musicien∙ne∙s ont en effet su se mettre au service d’une pièce contemporaine avec brio et faire justice à la panoplie émotionnelle que renferme l’œuvre de Brahms. Que cette soirée ait laissé∙e rêveur∙euse, pantois∙e ou inspiré∙e, elle n’a en tout cas pas laissé indifférent∙e.

Finite – Ein Deutsches Requiem
Orchestre des Nations
Dimanche 5 novembre à 17h au Victoria Hall

Date à venir :
Samedi 18 novembre à 20h à l’Aula Magna de Fribourg

orchestredesnations.com

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Marilyn, Madness and Me

Marilyn, l’ange sacrifié

Marilyn Monroe a été filmée, photographiée et interviewée à maintes reprises, et pourtant sa personne et sa vie demeurent, à certains égards, encore opaques aujourd’hui. La pièce Marilyn, Madness and Me, jouée en ce moment à Onex, se centre sur les derniers mois de son existence.

Texte et propos recueillis par Frida

Cette pièce est imaginée par Didier Bloch, qui l’écrit à l’origine en français puis demande au producteur et scénariste Frank Furino de la retravailler afin qu’elle puisse être présentée au public. Celui qui compte à son actif des séries télévisées telles que Dallas et Dynasty relève le défi. Marilyn, Madness and Me est alors jouée à Hollywood en 2013 et très bien reçue par les spectateur·ice·s.

Lors d’une interview avec un journaliste qui lui demande s’il s’agit de la réalité ou d’une fiction, Frank Furino répond simplement « oui ».

Dans cette pièce, deux personnages se partagent la scène, Marilyn Monroe alias Norma Jean et Tim Garrettson. Celui-ci rencontre la vedette quelque temps avant son décès, il devient son chauffeur et s’occupe également de son chien Maf – diminutif de Mafia – qui lui a été offert par Frank Sinatra. Un lien se crée entre eux : lui, est obsédé par Norma Jean et veut devenir son héros, elle, trouve en cet homme quelque peu immature un soutien et même un ami. Tim récupère le journal intime de l’actrice à sa mort, y lit ses souffrances, ses pensées secrètes et y découvre ses poèmes. Ce petit carnet constitue le fil conducteur de la pièce.

Marilyn, Madness and Me - 13.0.9.2023-098

Photos: Ariadne Kypriadi

À Onex, la mise en scène d’Annelies Breman est très belle, elle reste sobre tout en étant dynamique. Cela crée une atmosphère intimiste grâce à laquelle le public perçoit toute la sensibilité des personnages. Ils n’interagissent jamais entre eux et cependant les deux récits s’entrecroisent parfaitement. Tim raconte ses moments privilégiés avec Norma Jean et sa vie après la mort de la star. À chaque fois, les mots du chauffeur trouvent un écho dans le journal de la diva. Les quelques interventions de la radio ancrent les personnages dans la réalité, eux qui semblent perdre pieds avec le réel. Ce média rappelle que l’Histoire poursuit son cours inéluctable et embarque progressivement avec elle les protagonistes: des frères Kennedy et leurs troubles rapports avec Marilyn jusqu’à la guerre du Vietnam à laquelle Tim participe volontairement après le décès de son idole. L’histoire de ces deux êtres apparaît comme un havre de paix au milieu de grands tourments.

Tout au long de la représentation, les deux comédien·ne·s de la Geneva English Drama Society (GEDS) captivent le public et lui font ressentir toute la détresse de leur personnage. Masha Neznansky interprète subtilement Marilyn, que les spectateur·ice·s reconnaissent aisément. La posture, la voix sont similaires. La figure de la femme-enfant, quelque peu perdue et naïve, se dessine à travers les mots de Marilyn. Entourée et adulée, elle paraît pourtant si seule.

Tim, très finement joué par Charles Slovenski, partage cette solitude. Il dédie sa vie à Norma Jean qui lui montre la véritable personne derrière l’image du sex-symbol. Sa rencontre avec cette femme bouleverse son existence. Il se montre attentionné et respectueux envers elle. Il souhaite lui redonner un peu d’espoir, lui montrer que tous les hommes n’en veulent pas qu’à son corps. Charles Slovenski vit tous les états de son personnage, dévasté par la douleur de vivre de celle-ci et son suicide.

Marilyn, Madness and Me - 13.0.9.2023-114

Marilyn, Madness and Me évoque la profonde tristesse de l’actrice, elle qui pensait ne pas avoir droit au bonheur. La pièce revient sur son enfance douloureuse. Élevée par des familles d’accueil, elle n’a aucun repère, aucune stabilité. Elle désire être vue, être aimée, elle attend presque un sauveur qui saurait lui apporter tout l’amour et la sécurité dont elle a tant besoin. Pourtant, elle enchaîne les débâcles amoureuses avec des hommes qui se montrent parfois violents, qui disent l’aimer alors qu’ils veulent simplement la posséder quelques instants. Au cinéma, tout ne se déroule pas sans difficulté non plus. Elle arrive en retard, ne parvient pas à jouer certaines scènes. Les journalistes disent que sa carrière est finie. Finalement, elle réalise que ce milieu n’a rien d’humain et que, comme les hommes, il se sert d’elle, de ses cheveux blond platine, ses yeux de chat et ses lèvres rouges. Tous semblent davantage intéressés par l’image de femme fatale qu’elle renvoie que par la femme qui réfléchit, l’être humain dissimulé dans ce corps trop fantasmé.

Les œuvres sur Marilyn Monroe sont nombreuses et tombent parfois dans la psychanalyse ou les clichés. Marilyn, Madness and Me évite ces écueils et, que les spectateur·ice·s soient ou non des fans inconditionnel·le·s de la vedette, cette pièce touche tout le monde. Masha Neznansky et Charles Slovenski donnent vie à deux personnages à fleur de peau, légèrement enfantins, qui semblent n’être pas faits pour ce monde.

Marilyn, Madness and Me
Du 14 au 17 septembre 2023
Ce soir à 19h
Demain à 16h
Le Manège, Onex
www.geds.ch

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Elizabeth Sombart

Elizabeth Sombart – La musique classique devient la musique du cœur

La célèbre pianiste internationale vient de sortir en mai de cette année un album de quatre concertos pour piano n° 20, 21, 23 et 27 de Mozart, saisissants de simplicité et de lumière, avec le Royal Philharmonic Orchestra. L’occasion de découvrir les multiples facettes de cette artiste holistique qui sait toucher nos âmes.

Pour lire le portrait d’Elizabeth Sombart dans L’Agenda, rendez-vous dans le numéro 104!


Par Myriam Vijaya de l’Agence Marketing SamoSamo

Pour aller plus loin, découvrons Elizabeth Sombart sous deux formes. L’une est digitale avec ses Masterclasses qu’il est possible de retrouver sur son site dédié. L’autre est littéraire avec des extraits exclusifs d’un de ses livres. Belles découvertes à toutes et à tous!

2. Extraits du livre Introduction à la Pédagogie Résonnance

« Un chemin de vie. Dès le début de ce synopsis, j’ai souhaité préciser que la Pédagogie Résonnance n’est pas seulement une pure et simple restitution de l’enseignement reçu de ces deux maîtres [ndlr: Hilde Langer-Rühl et Sergiu Celibidache], en particulier celui de Sergiu Celibidache. En effet, le sous-titre donné à ce texte – Un chemin de vie – traduit la manière dont j’ai essayé, en conscience et avec cœur, d’approfondir l’héritage reçu de ces maîtres, tout en assumant un chemin spirituel qui allait m’ouvrir à un autre vécu de l’expérience musicale, distinct de celui dont parlait Sergiu Celibidache. »

« La musique en soi n’existe pas. Le son est une valeur fondatrice de la vie: l’univers est un cosmos musical et les hommes qui en font partie, comme l’explique Alfred Tomatis, sont des « sons emplis d’humanité ». C’est pourquoi il n’est pas possible de considérer ce que nous savons de la réalité du son sans envisager, parallèlement, ce que nous savons de l’homme qui est un être musical. Il n’y a pas de musique sans l’être humain […..]. La phénoménologie de la musique montre que l’expérience musicale n’est ni externe ni interne, mais globale […..]. En d’autres termes, si l’expérience musicale n’est ni “interne” ni “externe”, mais globale, elle constitue une rencontre de l’intérieur et de l’extérieur, de ce qui vient de moi et de ce qui ne vient pas de moi […..]. Et cette rencontre n’est pas définie par les éléments qui se rencontrent, comme une résultante, mais est au contraire principe, origine. »

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Les arTpenteurs

Fahrenheit 451: fiction ou réalité?

La compagnie de théâtre itinérante Les arTpenteurs joue une pièce aux questions brûlantes et transgénérationnelles en abordant les thèmes du savoir et de la liberté.

Texte et propos recueillis par Frida

Le spectacle est basé sur le célèbre roman dystopique Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Considéré comme un monument de la science-fiction, cette œuvre reste d’actualité. Elle touche directement le public par son lien avec la culture, les nouvelles technologies et le divertissement.

L’histoire est celle de Guy Montag – interprété par Mehdi Duman – un pompier chargé de détruire les livres. Ces autodafés réguliers lui paraissent naturels et s’intègrent parfaitement dans son quotidien routinier. Cependant, sa voisine, très justement jouée par Eva Gattobigio, va venir rompre cette harmonie illusoire. Fantasque et curieuse, cette jeune fille ne ressemble en rien aux autres personnes que Montag connaît. Les autres semblent insipides et endormi∙e∙s alors que Clarisse est pleine d’esprit. Lors de leur rencontre, elle lui demande « Êtes-vous heureux ? ». Cette simple interrogation déclenche une véritable introspection chez le principal protagoniste. Comme ses concitoyen∙ne∙s, il ne se posait pas de questions. Son environnement, sa vie et a fortiori son bonheur allaient de soi. Les questions ne sont pas les bienvenues dans cette société lisse où tout est maîtrisé.

Montag commence à s’interroger sur ce qui l’entoure, il débute un processus plutôt désagréable mais qui le fera sortir de « la caverne ». Il réalise qu’il ne sait plus quand ni comment il a rencontré sa femme. Son mariage est un état de fait comme son métier. Il apprend qu’avant les pompiers protégeaient les gens du feu; maintenant ils brûlent les livres pour protéger les gens des dangers que ces œuvres contiennent. Il décide de découvrir par lui-même quels sont ces menaces et se met à lire.

Les arTpenteurs

Photos: Felix Imhof

Le gouvernement justifie les autodafés en invoquant principalement la paix sociale. Les livres dérangent parce qu’ils sont perçus comme des objets offensant les différentes sensibilités. Pour éviter toute colère, tout débat, il est préférable de les faire disparaître. Toute réflexion est effacée et les individu∙e∙s vivent devant des écrans géants. À l’inverse des ouvrages interdits qui poussent à réfléchir et à se confronter à d’autres points de vue, un écran propose une réalité devant laquelle les individu∙e∙s peuvent rester passif∙ve∙s. Ils et elles ingèrent les informations montrées sans prendre du recul et les croient. Le gouvernement ne leur soumet qu’une opinion pour éviter les discussions. La légèreté et le divertissement remplacent la connaissance et la réflexion. La femme de Montag illustre parfaitement cette frivolité, elle qui a l’impression de vivre dans une série télévisée. Elle envisage même de mettre un écran sur le quatrième mur de leur maison. On ne peut s’empêcher d’y voir une référence au théâtre avec ce mur imaginaire qui existerait entre les comédien∙ne∙s et le public. Il s’agirait d’effacer l’art vivant pour le remplacer par un défilé d’images virtuelles.

La mise en scène fait sciemment naître la confusion dans l’esprit du∙de la spectateur∙ice en raison des différents rôles endossés par les acteur∙ice∙s et de l’insertion de passages narrés. Les feuilles volantes et le mouvement qui s’intensifie au fil du spectacle contribuent également à cet égarement. Cela reflète l’état d’esprit de Montag. Il ne comprend plus le monde dans lequel il évolue. Il développe progressivement une conscience et agit en fonction de ses nouvelles convictions. Il ne peut plus rester immobile face à tant d’incohérence et de contrôle.

La déconstruction progressive de la scène semble souligner l’effondrement d’une idéologie chez le personnage principal. À la fin, seuls demeurent les fondements de la scène, des piliers sains pour reconstruire une société meilleure?

La pièce est portée par de très bon∙ne∙s comédien∙ne∙s. Elle ne laisse pas le public tranquille mais vient le pousser dans ses retranchements. Cette œuvre le met face à ses propres choix, à son libre-arbitre dans une société où il est plus facile de s’endormir devant un écran plutôt que d’être chamboulé par un livre.

Fahrenheit 451
Par Les arTpenteurs

– Jusqu’au 7 septembre sur la place Favre, Chêne-Bourg
– Du 13 au 17 septembre au Jardin Roussy, La-Tour-de-Peilz
– Les 23 et 24 septembre au Parc Mon-Séjour, Aigle

lesartpenteurs.ch

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Musée du Léman / exposition: Ici le lac ressemble à la mer //

Découverte du patrimoine musical lémanique

Ici, le lac ressemble à la mer

Le projet un peu fou d’exposer des chansons est né de la complicité entre le chanteur Marc Aymon et Lionel Gauthier, conservateur du Musée du Léman. L’institution nyonnaise propose actuellement au public de découvrir ou redécouvrir les chansons qui rendent hommage au lac.

Texte et propos recueillis par Sarah Liman Moeri
Photos: Nicolas Lieber

La genèse de l’exposition

Tout est parti du projet du chanteur Marc Aymon : Glaneurs. En 2019, ce dernier a lancé un appel à la population dans la presse, afin de récolter des documents en lien avec le patrimoine musical romand: vieux carnets de chant, partitions, enregistrements et autres. Il en a réuni plusieurs centaines. Marc Aymon et Xavier Michel (du groupe Aliose) ont découvert ces trésors et choisi une quinzaine de chants et de poèmes, qu’ils ont enregistrés sur un disque, avec divers artistes suisses.

Parmi les textes découverts, il y avait Le Vieux Léman, un texte d’Eugène Rambert datant de 1881, mis en musique par l’Abbé Bovet (auteur du Vieux Chalet). Marc Aymon a fait écouter l’enregistrement à Lionel Gauthier, qui a été agréablement surpris. Car même si les paroles de la chanson semblaient un peu désuètes, elle aurait pu être écrite aujourd’hui. Le chanteur lui a alors demandé: “Est-ce que tu veux accrocher des chansons aux murs de ton musée?”.

Cette idée a titillé le conservateur, lui-même passionné de musique, musicien et auteur d’une centaine de chansons. Il était également intéressé par le défi muséographique… Comment “accrocher” des choses qui ne se voient pas?

Les défis

En plus du défi scénographique, il a fallu trouver les chansons qui évoquent le lac Léman (véritable source d’inspiration pour les peintres, les poètes, les écrivains et les paroliers), puis en obtenir les droits de réadaptation.

La recherche des chansons

Marc Aymon s’est employé à contacter ses ami∙e∙s artistes pour savoir s’ils avaient composé des titres sur le Léman. Aliose avait déjà écrit Droit devant et François Vé a créé Vigne spécialement pour l’exposition.

Lionel Gauthier a, quant à lui, consulté les archives : des livrets de chants ou des recueils de partitions, conservés dans les collections du musée ou dans d’autres institutions, comme la BCU à Lausanne, mais également les bases de données de la SUISA et de la Sacem.

Cinquante-six chansons ont été répertoriées et depuis l’exposition, une dizaine d’autres ont été retrouvées.

Le choix des chansons

En fouillant dans un cahier de textes, Lionel Gauthier a repéré une chanson parlant du Léman: Gentille Batelière. Le titre et les premiers mots ne lui disaient rien, mais en lisant plus avant, il s’est rendu compte qu’il connaissait cette chanson par cœur, car sa grand-mère la chantait. Elle a donc tout naturellement trouvé sa place dans l’exposition, en hommage à celle-ci.

L’idée était d’avoir un panel de titres panaché, des chansons anciennes et des plus modernes, des chansons oubliées et des plus connues, comme Genève de William Sheller, pour que le∙la visiteur∙euse puisse se rattacher à quelque chose qui lui est familier. Le duo souhaitait aussi avoir des sujets différents dans la musique et dans le texte, mais en même temps avec une certaine homogénéité. Des morceaux plutôt acoustiques. Smoke on the Water de Deep Purple ou Bienvenu chez moi de Bigflo & Oli n’auraient pas trouvé leur place dans l’espace d’exposition, car leurs styles musicaux sont très différents des autres. En revanche, elles font partie de la playlist consultable dans l’audioguide, qui nous accompagne le long du voyage musical.

Le titre

Ici, le lac ressemble à la mer” sont les premières paroles de la chanson de Marc Aymon À Saint-Saph’. Il a vécu deux mois dans le village de Saint-Saphorin, qu’il considère comme le plus beau du monde, en pensant que la beauté des lieux allait lui inspirer quantité de lignes. Mais rien n’est venu. Il en est reparti dépité. Quelques jours plus tard, un ami lui a envoyé un message: “Je passe en train à Saint-Saph’. Ici, le lac ressemble à la mer.” Cette phrase lui a provoqué un déclic et le texte de la chanson est arrivé tout seul. Il était donc évident pour lui qu’elle devienne le titre de l’exposition.

Musée du Léman / exposition: Ici le lac ressemble à la mer //

La scénographie

L’idée étant de proposer au public une expérience multisensorielle, on a choisi de lui offrir des chansons à écouter, des visuels à regarder et des objets à toucher.

Chaque titre a son espace réservé, une petite alcôve avec sa couleur et son ambiance, correspondant au thème qu’elle évoque. L’équipe du musée a chiné pendant des mois pour trouver le mobilier et les accessoires qui allaient les mettre en scène.

Les onze airs “exposés” ont été illustrés par Cyrille Chatelain, conservateur du Jardin botanique de Genève et artiste. Ces illustrations sont riches en couleurs et en détails, souvent les paroles sont inclues dans la composition. Les formats des représentations sont très variés. Certaines ont été reproduites et recouvrent toute la hauteur d’un mur et d’autres sont si petites qu’il faut s’approcher pour en apercevoir les minuscules détails.

Par ailleurs, un album a été créé pour neuf des chants. Chacun est une pièce unique, avec son atmosphère particulière. Ils ont été réalisés par la maison d’édition nyonnaise Ripopée. Comme dans un ancien album de photographies, une écriture manuscrite nous raconte l’histoire de la chanson, de l’artiste et le thème évoqué. Des illustrations accompagnent, parfois, quelques-unes des paroles. Chacun∙e peut prendre le temps de consulter l’album, confortablement assis, pendant l’écoute d’un morceau.

Dans l’exposition, on retrouve Droit devant d’Aliose et Vigne de François Vé. Les neuf autres font partie du répertoire suisse ou français et ont été spécialement réenregistrées par des artistes locaux∙ales, attaché∙e∙s au Léman, dans l’optique que le public puisse redécouvrir des titres qu’il connaît parfois, tout en lui proposant l’expérience d’une première écoute. La volonté était également d’avoir une certaine harmonie acoustique. En plus des artistes précité∙e∙s, Michel Bühler (décédé quelques jours après le vernissage), Milla et Jérémie Kisling ont prêté leurs voix à ces airs célébrant le Léman.

Pour prolonger l’expérience

Grâce au catalogue, l’expérience musicale se prolonge, puisque des QR codes donnent accès aux enregistrements. Les paroles sous les yeux, le∙la lecteur∙ice peut chanter sur les airs découverts au musée. L’histoire des chansons, des anecdotes et un répertoire de trente-cinq autres titres sont proposés dans l’ouvrage.

L’équipe de médiation a eu l’idée de l’activité Singin’ the Lake, une chorale éphémère. Petit∙e∙s et grand∙e∙s amateur∙ice∙s de chant peuvent participer.

Le Bec dans l’eau sera le chant proposé à la rentrée, lors de la dernière date de l’événement. Divisé∙e∙s en deux voix, les choristes répéteront avec les chefs de chœur avant de se produire dans la salle d’exposition. Rendez-vous le samedi 10 septembre à 15h pour rejoindre ou écouter la chorale éphémère.

Ici, le lac ressemble à la mer. Chansons pour le Léman
Jusqu’au 18 février 2024
Musée du Léman, Nyon

Ici, le lac ressemble à la mer

Singin’ the Lake

Glaneurs

Ripopée

 

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Epidermique

Ressac fantastique

Happé par le courant des plans d’Épidermique, on ne peut s’échapper à temps et l’on se retrouve ferré à une séquence choc, avant d’être finalement relâché dans la vaste mer des questions sociétales de genre.

Texte et propos recueillis par Katia Meylan

2015, Hollywood. Océane Wannaz présente, à la finale du 48H Film Project, son court-métrage réalisé à Lausanne avec l’association universitaire FilmOns!. Dans l’avion qui la ramène à sa réalité d’étudiante, elle décide que cette famille internationale de passionné∙e∙s du cinéma serait la sienne.

Plusieurs belles expériences associatives plus tard et un certain métier acquis lors de mandats d’assistante ou de responsable figuration – sur des tournages d’Ursula Meier et Lionel Baier, notamment –, la jeune femme réfléchit à mener ses propres projets professionnels. Sa rencontre avec Éric Bouduban, co-fondateur d’Imajack, sera un déclencheur. Il devient non seulement un producteur, mais aussi un ami et un équipier aux valeurs communes auprès de qui la justification, superflue, laisse champ libre au challenge mutuel. En 2019, Éric repère un appel à projets pour l’écriture d’une web-série lancé par le Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF) et la RTS. Il place sa confiance en Océane, qui s’attèle à poser sur papier ce qui sera, finalement, une base pour son premier projet en tant que réalisatrice: Épidermique. En effet, le script ne s’est pas sélectionné, mais un producteur de la RTS y voit un potentiel pour un court-métrage. Après de nombreux mois de réécriture, suivant les conseils reçus en chemin, Océane et Imajack convainquent Cinéforom, l’Office Fédéral de la Culture et la RTS de monter dans le bateau et de leur confier les fonds nécessaires à la production de ce film fantastique. “J’ai de la chance de créer maintenant, car je sens qu’il y a une envie d’encourager les jeunes femmes à se faire leur place dans le milieu artistique”, constate Océane.

Océane Wannaz

Océane Wannaz sur le tournage d’Épidermique.n
Haut de page: La comédienne Marion Reymond sur le tournage d’Épidermique.
Photos: Alexia Linn

En effet, si quelque chose est mâché dans Épidermique, c’est un peu de chair fraîche, mais surtout ni les mots ni les images qui dénoncent une société insinuant qu’une femme ne peut se réaliser sans en dévorer une autre. De formation académique, Océane Wannaz doit son inspiration en partie à son mémoire, consacré à la femme cannibale dans le cinéma contemporain. “Je pars de la théorie puis laisse la créativité déborder. Pour pouvoir écrire, je dois sentir une nécessité sociologique à ma démarche”. C’est donc en compulsant les analyses sur le sujet et en se rendant compte que le thème était presque toujours abordé sous l’angle homme/femme que lui vient son scénario. Puis, avec la complicité de Fanny Reynaud à l’image, elle forme le langage poétique du film, ses couleurs et ses reflets sensoriels, ses images qui s’approchent et s’éloignent comme un ressac nauséeux.

Après un passage aux Journées de Soleure et aux Internationale Kurzfilmtage Winterthur en fin d’année dernière, Épidermique sera projeté dans la sélection Swiss Shorts au NIFFF.

Plus d’informations sur: imajack.ch

Pour Océane, le NIFFF c’est…
– La genèse d’Épidermique.
– La découverte de Grave, de Julia Ducournau.
– Une énergie particulière, un espace d’inspiration et d’exploration pour la famille du cinéma.
nifff.ch

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Festival de la Cité

La Cité bousculée, chantée et dansée

La Cité, juillet 2023. Les dédales de rues, escaliers et esplanades de la Vieille Ville de Lausanne résonneront sous les pas de danse, les notes de musique et les applaudissements du public. Le Festival de la Cité déploie sa 51e édition du 4 au 9 juillet, avec un programme riche en spectacles atypiques et en performances surprenantes… de quoi offrir aux estivalier∙ère∙s un début d’été inoubliable!

Texte et propos recueillis par Jeanne Möschler

De l’énergie de la préparation au plaisir de la contemplation

Joyeuse et colorée, l’affiche annonce l’ambiance qui teindra le festival: des formes d’arts diverses et inattendues offerte à un public très varié, gratuitement. À un mois du festival, le rythme s’accélérait pour l’équipe chargée de l’organisation de cet événement annuel, fermement ancré dans le paysage culturel lausannois. “C’est beaucoup d’excitation, on est en train de finir la programmation dont on est très fiers”, raconte Martine Chalverat, nouvelle directrice à la tête du festival pour la genèse de cette nouvelle décennie qui s’annonce, “le bureau est une vraie fourmilière, c’est très enthousiasmant”. Cette année, le public aura la chance de se promener entre 112 propositions artistiques, qui s’inscrivent dans deux promesses que tient l’événement: la variété et la gratuité. “On revendique la pluralité des arts, et beaucoup de spectacles se trouvent à la frontière, il y a des danseurs et danseuses qui chantent et des chanteuses chanteurs qui dansent”, explique la directrice. “Pour imaginer la programmation, on voit énormément de spectacle et concerts – tout comme un nombre croissant de programmateurs et programmatrices sont au rendez-vous au festival, de plus en plus reconnu à l’étranger – et des compagnies viennent à présent d’elles-mêmes présenter leurs projets”, explique-t-elle. Des projets parfois déjà existants, parfois créés pour le festival, mais qui prendront dans tous les cas vie sous une forme inédite.

Martine Chevalerat

Martine Chalverat. Photo © Nikita Thévoz

Le chant du pont et les paroles de la piscine

Voilà l’une des singularités du Festival de la Cité: faire bouger des lieux dans lesquels on passe normalement sans s’arrêter. “Ce qui m’anime dans le milieu culturel”, confie la jeune directrice, “c’est la rencontre entre les projets artistiques et le public. On a un cadre magnifique, et c’est essentiel de trouver les bons lieux pour les bonnes formes d’arts”. La diversité des lieux et, parfois, leurs contraintes ouvrent à diverses possibilités artistiques: “la place St-Maur est un espace confiné, c’est un cadre plus intime, alors que la place du château est un grand plateau, elle ouvre donc à de plus grands projets.” Sur la première, le public pourra plonger dans l’ambiance des vacances à la mer… ou à la piscine. Basé∙e∙s avec leur parasol et machine à écrire au bord du bassin des piscines de quartier, des écrivain∙e∙s du collectif Caractères mobiles récolteront les récits des baigneurs et baigneuses sous forme de carte postale et liront ensuit leurs textes à la Place St-Maur. Pour donner forme à la réflexion du festival sur l’architecture des lieux, le collectif lausannois La-Clique, carte blanche en poche, a jeté son dévolu sur le Pont Bessières et des étudiant∙e∙s en architecture de toute la Suisse. De nombreux workshops interdisciplinaires entre mars et juillet ont permis de repenser une scénographie de ce fameux pont, comme lieu de concerts, de rencontres et de partage. Deux autres événements à ne pas manquer: dans le quartier des Faverges, le duo Joëlle et Vincent Fontannaz emmènera les spectateur∙ice∙s redécouvrir les lieux à la hauteur d’un enfant, en mêlant leurs souvenirs aux vies des habitant∙e∙s actuel∙le∙s du quartier. Dans la cathédrale, la chorale lausannoise Hot Bodies, queer et féministe, fera résonner ses chants, composés à partir d’idées qui ont émergé lors de lectures collectives dans des ateliers d’écriture féministe.

Festival de la cité

Dans ton Cirque, Festival de la Cité 2022. Photo © Nikita Thevoz

Festival de la cité

Festival de la Cité, édition 2022. Photo © Nikita Thevoz

Ainsi, des créations d’ici et d’ailleurs se déploieront: “On souhaite aussi faire la part belle à la création suisse qui est foisonnante”, témoigne Martine Chalverat. Dans Hark! Luísa Saraiva, du Portugal, et Senem Ogultekin, d’Allemagne, interprètent la musique de Purcell… et même plus que ça, elles la montrent. Donnant corps à la musique baroque à travers leurs gestes, elles explorent la relation entre son, visuel et mouvement. Autre spectacle qui promet d’être mouvementé, c’est Impact d’une course, qui mêle cirque, parkour, escalade pyschobloc, danse contemporaine, toy music et afro-beat psychaedelic. Le collectif franco-suisse La Horde dans les pavés va justement quitter le sol pour arpenter des lieux en hauteur et leur donner une fonction inédite.

“Au final, les 112 propositions artistiques illustrent toutes très bien ce qu’est le festival car on revendique la pluralité des pratiques artistiques”, se réjouit Martine Chalverat.

Un dernier mot de la part de la jeune directrice? “Venez, soyez curieux, laissezvous surprendre… osez!”

Festival de la Cité
Du 4 au 9 juillet 2023
Vieille Ville de Lausanne

2023.festivalcite.ch

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Julie Conti

La culture du spectacle et du terroir fait bon ménage

Depuis 2021, Vignes&Culture a su convaincre le public romand. Tout a commencé avec Aurélie Candaux et son envie de créer un événement qui permette un échange positif avec le public, pendant la pandémie de COVID-19, au niveau de la culture artistique et du terroir. Succès dès la première édition avec une cinquantaine de dates dans des caveaux romands somptueux, jusqu’à la consécration en début d’année avec le prix Best Wine Tourism. Fort de son succès, Vignes&Culture est de retour cette année avec un panel aussi bien musical qu’humoristique. Parmi les artistes, Julie Conti, standupeuse genevoise en pleine ascension. À cette occasion, nous sommes revenus sur son parcours et son humour ouvertement féministe et décomplexé.

Texte et propos recueillis par Steve Weisshaupt

Entre un travail à 80%, jusqu’à deux spectacles par semaine et ses enfants, cette superwoman ne mâche pas ses mots. Elle dit ce que les choses sont, telles quelles, sans filtres. Sur une terrasse du quartier des Grottes à Genève, elle raconte comment, depuis un stage d’humour au Caustic Comedy Club à Carouge, son hobby est devenu partie intégrante de sa carrière.

“C’était en 2019, j’ai juste fait deux jours de stage et les organisatrices du Caustic m’ont proposé de venir faire un plateau féminin qui s’appelait à l’époque Drôles de Meufs – c’est devenu depuis Standupeuses – et du coup, ça m’avait plu.” Une pause Covid plus tard, elle est repérée par le Montreux Comedy Festival. “Pas forcément une consécration, mais plutôt une sorte de certification à ajouter à son CV” dit-elle modestement.

Elle ne se veut pas donneuse de leçon. Julie Conti pense son humour empreint de discours féministes par le prisme des codes de la masculinité pour évoquer les regards sur les stéréotypes de genre ou la place de la femme dans l’humour, mais aussi dans la société en tant que mère et femme en couple. Un humour brut et honnête qu’elle sait désamorcer en finesse en fonction de son public. “J’ai une blague qui raconte comment au Moyen-Âge, on castrait les hommes avec des briques. Il y avait un petit bout de huit ans tout seul devant, les parents assis au fond. Et puis je lui dis: tu veux que papa, il en fasse une de vasectomie?”.

Vignes&Culture

Photo: Vignes&Culture au domaine Saint-Sébaste. ©Vanessa Giardini
Photo de haut de page: Julie Conti. ©András Barta

La troisième édition de Vignes&Culture accueillera dès juin les amateur·ice·s de vin et de spectacles humoristiques, avec une dizaine d’artistes dans une vingtaine de domaines à travers toute la Romandie. Quant à Julie Conti, elle sera présente pour la première fois cette année pour deux spectacles, le 6 juillet au domaine des Balises à Bevaix sur le littoral neuchâtelois et le 7 juillet au domaine Bovy à Chexbres.

Toutes les informations sur: vignesetculture.ch

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Fifog Houria

Le FIFOG, c’est maintenant!

Le Festival International de Film Oriental de Genève, dont la 18e édition se déroule en ce moment, n’a de cesse de multiplier les points de vue, de dialoguer et de remettre en question les idées reçues en faisant découvrir au public des films de tous horizons.

Texte de Katia Meylan

Ses thématiques choisies au fil des années, telles que “Vivre ensemble et la Paix”, “Éloge de la différence” ou encore “La liberté au féminin” en témoignent: le FIFOG aspire fortement à un monde meilleur. Il a un rêve, pourrait-on dire…
Et le rêve est justement le cœur de cette édition. Toute cette semaine à Genève, 43 films venant de 26 pays d’Orient et d’Occident sont au programme, choisis pour leur lien avec ce thème. À l’issue des projections, des invité·e·s (cinéastes mais aussi journalistes ou représentant·e·s d’associations) participent à des débats autour des enjeux que soulèvent les films.

Vous faites quoi ce soir?

La soirée de ce mercredi 14 juin, en partenariat avec l’association Femme Vie Liberté, est dédiée à l’Iran. Les films (un long-métrage, un documentaire et sept courts-métrages) posent un regard sur des situations traversées par les femmes dans le pays, telles que l’emprise, la résistance, la pression, le courage, que ce soit au début du siècle ou depuis la récente révolte des iraniennes. Le long-métrage projeté à 20h, Les Nuits de Mashhad (Ali Abbasi, 2022), dont l’action se place en 2001, suit une journaliste enquêtant sur une série de meurtres visant des prostituées sans pouvoir compter sur l’aide des autorités locales.

Les Nuits de Mashhad

Les nuits de Mashhad (Ali Abbas, Danemark, Allemagne, Suède, France, 2022)

L’affirmation par l’art

Parmi la belle diversité du programme, le rêve est plusieurs fois abordé sous la forme d’une vocation artistique à réaliser.

Dans Divertimento, deux sœurs se sont données pour but de rendre la musique classique accessible au plus grand nombre, notamment à leur entourage de banlieue en Seine-Saint-Denis. D’origine algérienne, les adolescentes violoncelliste et chef d’orchestre se frottent à la solidité des murs des cases dans lesquels l’on est souvent enfermé·e.

Divertimento, vendredi 16 juin à 18h15, Cinémas du Grütli
(Marie-Castille Mention-Schaa, France, 2022)

Le dernier piano, c’est l’instrument de Karim, jeune musicien de talent, pour se battre contre l’obscurantisme, pour continuer à voir la vie là où la guerre en Syrie n’a laissé qu’un quotidien de survie. Lorsque le piano est détruit par l’État Islamique, Karim part à la recherche des pièces pour le réparer.

Le dernier piano, dimanche 18 juin à 18h, Cinémas du Grütli
En présence de l’auteure Yasmine Char
(Jimmy Keyrouz, Liban, France, 2021)

La danse comme carrière à poursuivre, puis la danse devenue le moyen de reconstruction et de sublimation des corps blessés: c’est le chemin inattendu d’Houria, une danseuse dont les rêves de ballerine s’envolent alors qu’elle se fait agresser une nuit. Afin de redonner sens à sa vie, elle amène la danse comme élément d’expression dans la communauté de femmes qu’elle intègre.

Houria, dimanche 18 juin à 22h15, Cinémas du Grütli
Photo du haut de page: Houria (Mounia Meddour, France, Belgique, Algérie, 2022)

Toute la programmation de la semaine sur:
fifog.com

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A raisin in the sun

They have a dream

Pour sa troisième production de la saison, la Geneva English Drama Society nous invite à découvrir la pièce A Raisin in the Sun mise en scène par Rick Vincent et interprétée par de brillant∙e∙s comédien∙ne∙s.

Texte et propos recueillis par Frida

Cette pièce relate l’histoire d’une famille afro-américaine, les Younger, vivant dans la banlieue sud de Chicago dans les années 1950. À la suite du décès du grand-père, ils reçoivent 10 000 dollars de l’assurance-vie de ce dernier. Source d’espoir, cette importante somme d’argent ouvre de nouvelles perspectives pour cette famille. Chaque protagoniste a une idée de ce qu’il convient de faire avec et toutes et tous imaginent déjà leur nouvelle vie. Mama, la grand-mère, décide finalement d’acheter une maison dans un quartier blanc avec une partie de ces fonds, ce qui déplait fortement à leur futur voisinage.

Lorraine Hansberry s’inspire de son vécu lorsqu’elle écrit cette œuvre en 1957. Elle grandit à Chicago et, si ses parents ne connaissent pas la pauvreté des Younger, ils rencontrent de nombreux problèmes avec leurs voisins quand ils déménagent dans un quartier blanc. A Raisin in the Sun a été la première pièce d’une auteure afro-américaine à être jouée à Broadway. Pour cette création, Lorraine Hansberry remporte le fameux prix du New York Drama Critics’ Circle pour la meilleure pièce de théâtre, à seulement 29 ans.

A raisin in the sun

Photo: Christine Housel

La pièce s’intéresse aux rêves, à leur réalisation et à la désillusion qui en découle parfois. Le titre de cette œuvre y fait d’ailleurs directement référence en renvoyant au poème Harlem de Langston Hughes: “What happens to a dream deferred? Does it dry up like a raisin in the sun?” (Qu’arrive-t-il a un rêve ajourné? Sèche-t-il comme un raisin au soleil?).

En exprimant leurs souhaits pour l’avenir, les personnages révèlent leur individualité et cela génère des tensions. Mama veut prendre soin de sa famille et lui assurer sécurité et stabilité. Elle troque donc leur petit appartement, décrit par Ruth sa belle-fille comme un “rat trap” (piège-à-rats), pour une maison avec jardin. Elle ne comprend pas son fils Walter Lee qui veut faire fortune grâce à des investissements. Elle pense que son travail de chauffeur et que sa famille devraient suffire à le satisfaire, et le compare à son défunt mari qui n’avait jamais eu des aspirations semblables à celles de son fils. Lorsque l’obsession de celui-ci pour l’argent touche à son paroxysme, elle lui rétorque qu’à son époque ils avaient d’autres préoccupations notamment celle d’éviter les lynchages. En déclarant “Once upon a time freedom used to be life – now it’s money. I guess the world really do change” (“Il fut un temps où la liberté était la vie – maintenant c’est l’argent. Je suppose que le monde évolue vraiment”), elle souligne le fossé générationnel qui la sépare de ses enfants. Walter Lee entrevoit d’autres horizons et l’argent est pour lui un moyen d’échapper à sa condition. Il ne supporte plus de devoir montrer de la déférence à des client∙e∙s fortuné∙e∙s qui ne lui témoignent que de l’indifférence. Son sentiment d’humiliation et sa colère face aux injustices sociales nourrissent ses projets. La liberté lui paraît vaine sans ressources pour l’exercer. Pourtant, il réalise que sa mère a partiellement raison et que certaines valeurs sont plus essentielles que la richesse.

A raisin in the sun

Photo (et photo du haut de page): Steven Antalics

Les opinions de Beneatha, la fille de Mama, entrent également en confrontation avec celles plus traditionnelles de sa mère et chamboulent l’équilibre familial. Il s’agit du personnage le plus affranchi de l’œuvre. Future doctoresse, elle choque sa mère par son athéisme, ses positions féministes et son questionnement identitaire. Les convictions de ce personnage sont celles de Lorraine Hansberry et, grâce à la très juste interprétation d’Andrea Ogbonna-James (Beneatha), on jurerait l’entendre parler.

Les comédien∙ne∙s livrent une très belle prestation. Emanita Bailey campe une Mama parfaite. Joanita Kalibala (Ruth) touche le public, le fait rire et lui transmet son intarissable énergie. Quant à Frederick Vaamonde (Walter Lee) dont c’est la première fois sur les planches, il fait ressentir aux spectateur∙ice∙s toute la fureur de son personnage. Toutes et tous arrivent à nous faire vivre le quotidien des Younger et les épreuves auxquelles la famille doit faire face. Les disputes reflètent leur désir de changer l’ordre établi. Et malgré les déceptions et les incompréhensions, cette famille reste unie. Comme le dit si bien Mama: “There is always something left to love. And if you ain’t learned that you ain’t learned nothing” (Il reste toujours quelque chose à aimer. Si tu n’as pas appris ça, tu n’as rien appris). 

A Raisin in the Sun
Du mardi 6 au samedi 10 juin 2023
Le Manège, Onex
www.geds.ch

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Mapping Festival – Quand technologies, médias et artivisme se rencontrent 

Le Mapping Festival, qui se déroule à Genève du 18 au 28 mai 2023, fête cette année sa 19e édition. Faisant la part belle aux mondes de l’audio, du visuel et de l’électronique et ses déviantes, le festival retrace les liens que nous entretenons tou·te·s (ou presque) avec la technologie en nous invitant à aller regarder au-delà de ce qui nous est donné à voir habituellement. On trouvera différentes animations telles que des tables-rondes, des workshops, des performances et des soirées. Dans une ambiance festive et décontractée, les professionnel·le·s et amateur·ice·s des technologies de l’information et de la communication (TIC) ainsi que des artistes se retrouvent pour explorer et partager leurs connaissances et leurs visions de ces domaines. 

Texte par Allan Kevin Bruni et Steve Weisshaupt

Photo de couverture: Recombination, de Julius Horsthuis

Art, technologie et information

Rythmé dans toute sa longueur par l’exposition Art, technologie et information , curatée par Sarah Ducret et Boris Edelstein, le Mapping rassemble des artistes locaux·les et internationaux·les, nous aidant à interroger notre relation à la technologie et à l’information. C’est notamment par des œuvres créées par les étudiant·e·s en Media & Interaction Design de l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL) qu’un projet nommé Fantastic Smartphones dénonce l’utilisation abusive, chronophage et égocentrée que nous faisons de ces objets omniprésents dans nos vies. Au travers d’une utilisation dérivée des applications de rencontres ou des innombrables traceurs de mouvements de nos corps, de notre sommeil et même de notre rythme cardiaque, ces installations nous rendent attentif·ve·s à l’autorisation tacite que nous leur donnons de monitorer nos vies et de transmettre nos informations personnelles. 

Biobots de Aurélien Pellegrini, Bastien Claessens et Evan Kelly – ECAL. © pecorini.net

Nous avons été, aussi, tout particulièrement interpellés par l’interactivité de Don’t Answer Be Happy par laquelle Simon Müller et Jonas Wolter – accompagnés de Saïd Boulahcen pour le sound design – remettent en question l’ambivalence de la réalité numérique en nous confrontant à une Intelligence Artificielle qui sollicite notre moralité et nous met face à des questions auxquelles les réponses ne peuvent être que oui ou non. Ces questions nous obligent à prendre conscience des déboires, voire du malheur, qui pèsent sur les populations moins privilégiées qui sont à la merci et au service de notre consommation technologique occidentale. On soulignera notamment la révélation de faits tels que le néo-esclavagisme exercé par les GAFAM.

Dont Answer Be Happy de Simon Müller, Jonas Wolter et Saïd Boulahcen. © pecornir.net

Workshops

Parmi les trois workshops proposés pendant la durée du festival, nous avons eu la chance de participer à Les radioamateurs: intro, explication, démo animé par Mathias Coinchon (CH), ingénieur EPFL et passionné des ondes radios. Une opportunité unique pour tout un chacun d’avoir pu découvrir l’envers, mais surtout l’origine, de ce qui nous permet aujourd’hui de communiquer instantanément avec les quatre coins du globe. Nous avons pu retracer, par exemple, l’utilisation des ondes radio à travers l’histoire dans une dimension technique, mais aussi expérimentale: Mathias, par l’utilisation d’une échelle faisant office d’antenne, elle-même connectée à un émetteur, a réussi à envoyer un signal radio en Russie, à Hong-Kong et en Turquie, inter alia.

Tables-rondes

D’entre les trois tables-rondes présentes au programme du festival, nous nous sommes rendus à Plateformes d’information, journalisme et post-vérité qui a remis en perspective les plateformes d’information ainsi que le(s) rôle(s) du journaliste dans une société hyper connectée et condamnante. Cette discussion a soulevé un vif débat sur la réelle signification de l’application de la démocratie à l’intérieur même de cette discipline. En abordant des postures telles que celles des lanceurs d’alerte, du citoyen curieux et engagé (concept amené par Antoine André) et du journaliste (posture représentée par Olivier Tesquet, Joseph Farrel et Juan Passarelli), nous avons pu voir débattre plusieurs professionnels de la branche. Ils ont ainsi élevé les questionnements à un niveau qui nous touche tou·te·s dans notre ère de plus en plus confrontée aux nouvelles technologies mais également à la réprimande quand il s’agit de la divulgation d’informations jugées sensibles par un gouvernement donné. Le désormais célèbre cas de Julian Assange a été utilisé pour exemplifier les répercussions et les débordements que peuvent subir certains acteur·rice·s lors de la récolte et la diffusion d’informations brutes.

Petit plus! Les tables-rondes sont couronnées par des rencontres entre intervenant·e·s et public au Cryptobar, réel espace d’échange et de discussion, où il est même possible de prendre un petit verre.

Continuant son déroulement à l’espace Le Commun, le festival se poursuit dans le Jardin des Nations et est à découvrir jusqu’au 28 mai. Diverses associations telles que La Barje côtoieront notamment l’installation de Syllepse, dispositif ultra-technologique, qui offrira aux visiteur·euse·s des concerts, des mappings low-tech et des expériences immersives.

Mapping Festival
Du 18 au 28 mai 2023
Le Commun,
Jardins des Nations, Syllepse,
Scène de la Barje,
Genève

www.mappingfestival.com/

Mapping Festival – Quand technologies, médias et artivisme se rencontrent  Lire la suite »